La colline de la Croix-Rousse

Afin de reconstituer l’histoire et la géographie urbaines de la colline de la Croix-Rousse, j’ai exploité différentes sources d’archives comme les plans, les dossiers de voirie, les délibérations municipales, etc. Si ces documents permettent d’apprécier l’évolution du bâti, de la voirie, ou de connaître les acteurs de ces transformations, les représentations visuelles sont aussi précieuses pour se faire une idée du bâti et de l’occupation du sol.
Ces trois vues panoramiques de Lyon, réalisées depuis les hauteurs de la Croix-Rousse au XVIe ou XVIIe siècle, ou au tournant des XVIIIe et XIXe siècles, conduisent à se demander pourquoi la ville est restée confinée sur un territoire inchangé durant des siècles, tandis qu’à proximité la colline offrait des possibilités d’extension. Elles livrent aussi des éléments pour comprendre comment, durant la première moitié du XIXe siècle, l’est de la colline se transforme en une zone urbanisée accueillant tisseurs et soyeux, tandis que l’ouest retrouve certains de ses clos religieux et conserve ses propriétés d’agrément et son caractère agreste.

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Le Pourtraict de la ville & ancienne Cité de Lyon est tiré de la Cosmographie universelle de tout le Monde écrite par l’Allemand Sebastian Munster (1549), puis reprise et augmentée par François de Belleforest en 1575 et éditée à Paris. La seconde gravure, plus détaillée, porte le titre évocateur de la Pvuissante et importante ville de Lion archevesché et métropolitaine des Gavlles. Dite de Jean Boisseau, elle fut publiée à Paris en 1644. Sur ces deux estampes centrées sur la Grande-Côte figure au premier plan le rempart Saint-Sébastien qui s’élevait à l’emplacement actuel du boulevard de la Croix-Rousse. Gravées à soixante-neuf ans d’intervalle, elles sont presque analogues et je suis tentée de dire : " Cherchez les différences! ". L’accès à la ville s’opère toujours par la porte Saint-Sébastien, un pont-levis enjambe les fossés désormais asséchés et les fortifications ont été renforcées. La Grande-Côte se borde d’habitations plus nombreuses et d’autres constructions comme des couvents sont apparues à mi-pente. Le caractère rural du versant méridional de la colline contraste avec le fort entassement des zones basses d’où émergent une foule de bâtiments religieux.
Destinées à la diffusion, ces deux gravures offrent l’image d’une ville puissante, imposante. Sur la deuxième, Boisseau a même figuré la totalité des remparts des Terreaux pourtant déjà fort mal en point. Le pouvoir de l’Eglise est aussi accentué : calvaire au premier plan, château de l’archevêque à Pierre-Scize, couvents, églises dont la trop imposante église Saint-Nizier au centre de la presqu’île.

La troisième vue, un lavis brun, se compose de huit feuilles collées en plein sur des cartons séparés. C’est une pièce unique, anonyme, non datée. La présence de numéros sur les principaux bâtiments laisse supposer que ce dessin était montré à un public pour faire connaître Lyon. Son auteur, qui poursuivait sans doute un objectif didactique, a donné à ce dessin une atmosphère poétique et romantique qui contraste avec celle des vues précédentes. Le panorama a changé : le dessinateur occulte les fortifications pourtant encore existantes et offre une vue plus large de Lyon depuis le milieu des pentes croix-roussiennes. À l’ouest, le clos des Chartreux, son église Saint-Bruno et son hôtel pour les religieux de passage, le couvent et l’église des Carmélites, puis la Grande-Côte et les murs d’autres clos religieux qui, bien que déjà vendus comme biens nationaux, demeurent encore intacts. À l’est, s’étale la rive gauche du Rhône avec de vastes étendues agricoles et de grosses fermes dispersées dont celle de la Part-Dieu ; le bâti se réduit ici à l’embryon du quartier des Brotteaux et au village de la Guillotière. Au sud de la presqu’île densément occupée, le report du confluent d’Ainay à la Mulatière est commencé avec la chaussée-digue de Perrache.


Bibliographie

Josette BARRE, La colline de la Croix-Rousse. Histoire du paysage urbain, Lyon, Éditions lyonnaises d’art et d’histoire, 1992, 189 p.