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Les " imprimés de labeur " des Archives municipales |
Le terme d'" imprimés de labeur " désigne des documents très divers relatifs à la vie quotidienne civile, culturelle, commerciale, politique, religieuse... Leur regroupement dans une sous-série des Archives municipales de Lyon est un cas original car ils ne constituent pas un fonds d'archives (au sens d'un ensemble de documents produits ou reçus par un organisme, un établissement, une entreprise, une famille) mais une collection (c'est à dire un ensemble de documents de provenances diverses recueillis en fonction de critères subjectifs), notion opposée à celle de " fonds ", qui domine larchivistique française.
Henri Hours, ancien conservateur et initiateur de cette collection, confirme d'ailleurs que la genèse de celle-ci est intimement liée à une démarche de collectionneur, mais signale aussi que cette démarche est éclairée par la conscience de l'historien et de l'archiviste. En effet, il ne s'agissait pas daccumuler des documents en fonction de critères purement subjectifs ou esthétiques mais de compléter le fonds municipal par une documentation que les versements nont pas vocation administrative à contenir. Ces objectifs ont été partagés par des érudits, tels que le docteur Rousset et Sébastien Rosaz, dont une partie des collections est venue enrichir les " imprimés de labeur " des Archives municipales.
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Dans cette perspective, la collection fut fondée vers 1960, d'abord autour des tracts et documents politiques, domaine dans lequel les " bouts de papier " apportaient un témoignage particulièrement intéressant sur des courants de pensée. Puis cette politique de conservation s'est étendue aux papiers qui témoignaient des moeurs, des habitudes de vie, sans limite de sujet ou d'époque. Lécrasante majorité des documents a été produite après 1945, mais de nombreux articles concernent également le XIXe, le XVIIIe voire le XVIIe siècle. Cette disproportion se retrouve dans les thèmes abordés : rares, par exemple, sont les documents sur les préfectures ou le sport, tandis qu'ils abondent pour les domaines de la culture, de la politique ou de la publicité. Ceci est le reflet des aléas de la collecte qui n'a pas de cadre légal et dont les résultats reposent entièrement sur l'action de l'archiviste qui en est responsable et sur l'impulsion qu'il saura donner à d'autres collectionneurs.
En premier lieu, il faut savoir que le rassemblement de ces documents ne peut avoir lieu qu'en sus du travail régulier des services, les activités réglementaires primant. De plus, les événements publics ne se prêtent pas toujours à de telles préoccupations. Enfin, la collection est toujours exposée au risque d'être délaissée par les successeurs.
En second lieu, la collecte dépend de l'existence d'un réseau autour de l'archiviste-collectionneur. De la nature de ses contacts dépend la nature des documents recueillis. À ce titre, signalons les liens tissés dans le milieu étudiant qui permirent une abondante moisson de tracts jusque dans les universités pendant les événements de mai 1968 : manifestes, journaux de substitution, etc., autant de documents qui auraient échappé à la conservation dans les archives.
Les " imprimés de labeur " sont longtemps restés non communicables au public mais en 1995 quelques-uns ont servi pour lexposition consacrée par les Archives municipales aux cinémas de Lyon. La couverture du catalogue de l'exposition mérite d'être signalée comme provenant de cette collection, signe que l'intérêt historique n'est pas incompatible avec la beauté de l'image. Cet usage répond parfaitement à leur vocation d'illustrer des " faits de vie " qui révèlent le monde côtoyé au quotidien. Aujourd'hui, les objectifs sont de rendre ces documents consultables par le public, directement ou sous forme de copie, et d'accroître la collection même si, actuellement, pour des raisons d'ordre matériel, les sources de collecte sont moins diversifiées.
Cette collection illustre l'un des principaux rôles de l'archiviste qui se doit de préserver les sources pour l'histoire future en sauvegardant les témoignages de son temps.