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Une source pour la soierie lyonnaise : le recensement de la population de Lyon de 1808 à 1812 |
Lhistoire de la soierie lyonnaise reste à écrire. Les fonds des Archives municipales sur la " Grande Fabrique " nont pas encore été exploités. Lhistoire de la soierie lyonnaise aux XIXe et XXe siècles se focalise, trop souvent, sur Jacquard et sa légende. Évoquer ce personnage en sappuyant sur des faits établis provoque toujours des surprises. Lexploitation des registres du recensement de la population lyonnaise, de 1808 à 1812, nous en apporte une preuve supplémentaire.
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La réalité du métier Jacquard
Après la visite de Napoléon Ier à Lyon, le décret impérial du 25 Germinal an XIII (15 avril 1805) alloue une prime de 50 francs à Jacquard, pour chaque métier doté de sa mécanique, pendant six années. La Chambre de commerce de Lyon est chargée détablir la liste des acheteurs et de la faire parvenir au ministre de lIntérieur. En 1806, deux listes sont envoyées pour un total de 41 mécaniques et, en 1811, une liste de seulement 16 mécaniques. Or, tous les historiens affirment quen 1812, 12 000 à 18 000 métiers Jacquard fonctionnent à Lyon et que lusage du métier à la grande tire est définitivement abandonné.
Les recensements précités comportent une colonne dobservations qui contient des renseignements extrêmement précis sur le nombre et le genre des métiers à tisser, la nature des tissus de soie, le nombre et la fonction des ouvriers en soie. La comparaison des listes de la Chambre de commerce et des registres des recensements modifie complètement les affirmations gratuites des biographes de Jacquard. Force est de constater que la mention " métier Jacquard " napparaît nulle part. Tous les tisseurs possesseurs de mécanique Jacquard, sans exception, reviennent au métier à la grande tire qui a fait ses preuves. Cest le cas de Jacques Rive, sans doute parent de Jacquard, 103 Grande Côte. Il a acquis une première mécanique le 16 juillet 1806 et une seconde le 10 septembre 1806. Or, le recensement ici présent de 1808 fait apparaître quil emploie deux tireuses de lacs pour les deux métiers produisant du Damas, tissu façonné, le drap dor et le Gourgouran étant des tissus unis. Les tisseurs emploient de nouveau des tireurs ou des tireuses de lacs. En effet, la production dun tissu façonné nécessite la présence de deux personnes : un tisseur pour la structure de base et un tireur pour la production du décor. Ainsi, la mécanique inventée par Jacquard, daprès celle de Vaucanson, avec laide de nombreux collaborateurs, nest pas opérationnelle. Ce sera lardéchois Jean-Antoine Breton qui inventera en 1817 une mécanique nouvelle, basée sur les mêmes principes et qui gardera, cependant, le nom de Jacquard. Cest celle qui fonctionne encore à la Croix-Rousse.
Une vision nouvelle de la Fabrique lyonnaise de soierie
Létude exhaustive des ateliers familiaux lyonnais indique que les métiers de taffetas occupent plus de la moitié du nombre total des métiers et que le nombre de métiers de grand façonné est très réduit : 5%. Les tissus unis taffetas sont confectionnés sur des métiers fonctionnant à laide de deux marches (ou pédales) et dune carette et, pour les autres armures (sergé, satin, etc.), à laide de plusieurs marches. Les tissus " petit façonné ", dits aussi " à la mécanique " (il ne sagit pas, naturellement, de mécanique dite à la Jacquard), se tissent sur les métiers de Verzier, de Brun ou de Crétin. Pour les grands façonnés (tissus à décors) on utilise toujours les métiers à la grande et à la petite tire. Enfin, on trouve également des métiers dits " à la Falconne " utilisant les cartons perforés.
Le genre des tissus, dans ces recensements, apporte des précisions dun grand intérêt pour la connaissance de la production lyonnaise. Enfin, une étude des professions travaillant pour la fabrique lyonnaise a permis de dresser une longue liste comprenant plus de soixante-dix activités.
Il serait souhaitable que des historiens sintéressent à ces précieux et détaillés recensements pour établir un tableau réaliste et précis de la vie quotidienne des Lyonnais sous le premier Empire.
Bibliographie
Jean HUCHARD et Gabriel VIAL, " À propos du métier Jacquard ", dans Créer et produire des formes textiles, colloque à la faculté de philosophie de luniversité Lyon 3, 13 et 14 décembre 1984, Lyon, LHermès, 1987, pp. 25-47.
Jean HUCHARD, " Joseph Marie Jacquard ", Bulletin de la société historique, archéologique et littéraire de Lyon, T. XXIV, 1995, pp. 7-27.
Jean HUCHARD, " À propos de Jacquard ", Bulletin municipal officiel, n°5104 (18/02/1996) ; n°5105 (25/02/1996) ; n°5195 (16/11/1997) ; n°5196 (23/11/1997) ; n°5219 (03/05/1998) ; n°5220 (10/05/1998) ; n°5267 (04/04/1999) ; n°5281 (11/07/1999) ; n°5309 (23/01/2000) ; n°5310 (30/01/2000) ; n°5346 (08/10/2000) ; n°5368 (11/03/2001).