Les fonds musicaux des Archives municipales

Le patrimoine musical écrit fait l’objet d’un recensement systématique au niveau européen centralisé par le bureau des R.I.S.M. (Recherches internationales des Sources musicales) et le catalogage a été lancé en France à la fin des années 1980, région par région, sous l’égide du département de la Musique de la B.N.F. et du ministère de la Culture. L’équipe de Lyon a défini comme tâche prioritaire le catalogage des manuscrits musicaux anciens (antérieurs à 1850). Les principaux fonds publics de la région ont été catalogués et le premier volume, consacré aux bibliothèques d’Annecy, Bourg, Chambéry, Grenoble, La Côte-Saint-André, Montélimar, Valence, Roanne, etc, a paru en 1998.

Les Archives municipales de Lyon possèdent un fonds lyrique précieux et important, catalogué dans le premier volume, provenant majoritairement de l’ancienne bibliothèque de l’opéra de Lyon. On y trouve surtout des manuscrits de matériels d’orchestre, c’est-à-dire l’ensemble des parties instrumentales, quelques partitions qui superposent les parties vocales et instrumentales, ce qu’on appelle couramment conducteur ou partition de chef d’orchestre. Les parties vocales de ces ouvrages lyriques sont absentes de ce fonds. Deux cent cinquante opéras sont ainsi conservés aux Archives municipales (versement 74 WP), auxquels on doit ajouter quelques livres de plain-chant et des partitions isolées.

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L’intérêt de ce fonds tient à plusieurs raisons : il s’agit d’un ensemble cohérent de manuscrits (avec quelques imprimés) qui a été utilisé abondamment sur une durée d’environ un siècle (1750-1850). Il comporte quelques partitions uniques et inconnues jusqu’à présent, ainsi que près d’une quarantaine d’oeuvres anonymes et de nombreux ballets témoignant d’une forte activité dans ce domaine, chose peu connue. On y découvre ce qui faisait la culture et les délices de nos ancêtres, comme, par exemple, les nombreux opéras d’Auber, de Boïeldieu, Donizetti, Meyerbeer, Mozart, Méhul, Rossini, Spontini et d’autres compositeurs parfois très célèbres en leur temps, mais oubliés aujourd’hui (Dalayrac, Dezède, Duni, Grétry, Halevy, Monsigny, Philidor, Steibelt...)

On se rend compte que les opéras de Mozart étaient joués à Lyon dans les années 1820 à 1840, toujours en français, sous la forme de pastiches invraisemblables, réunis par Castil-Blaze, qui n’hésitait pas à mélanger sans scrupules ses plus belles pages avec celles de Cimarosa, Beethoven, Rossini ou Meyerbeer, en cousant l’intrigue à sa façon ! On peut constater, une fois de plus, que nos ancêtres ne voulaient entendre d’opéras que chantés en français, ce qui donne lieu à des changements de titre surprenants : le Freischütz de Weber devient ainsi Robin des bois ou les trois balles !

Les annotations diverses sur les partitions révèlent quelques renseignements précieux comme, par exemple, la présence à Lyon de maîtres de ballet prestigieux comme Jean Petitpas ou Pierre-Gabriel et Maximilien-Léopold Gardel, ou comme les dates de représentations à Lyon de quelques pièces. Quelques noms d’interprètes sont indiqués également, et quelques parties d’orchestre sont même ornées de croquis d’interprètes ou, peut-être, de compositeurs. On constate aussi que de nombreuses pages de ces partitions sont cousues, ce qui indique que les ouvrages étaient souvent raccourcis car il ne faut pas oublier que les soirées étaient chargées : une tragédie, suivie d’un opéra et d’un ballet.

Les Archives municipales de Lyon possèdent encore des documents exceptionnels comme une esquisse manuscrite et autographe de la cinquième symphonie de Beethoven, ou rares, comme un recueil retraçant l’histoire de l’opéra de Lyon : on se rend compte à la lecture que les oeuvres lyriques, particulièrement l’opéra comique, jouait un rôle comparable, en son temps, à celui du cinéma au XXe siècle.


Bibliographie

Jérome DORIVAL, Notations musicales : partitions en Rhône-Alpes, Lyon, ARDIM, 1997, 77 p.

Catalogue des fonds musicaux conservés en région Rhône-Alpes : les manuscrits (1600-1870), t. I, Jérome DORIVAL, Pascal LACOMBE, Corinne PEDRINIS, Fabien SAILLARD, sous la direction de Jérome DORIVAL, Lyon, ARDIM, 1998, 302 p.