Le cadastre de 1830-1832, clef de lecture de la ville

Le cadastre est à la fois une mine d’informations pour les adeptes d’études architecturales et urbaines et un modèle de méthode. C’est en 1807 qu’est entreprise sa confection, pour permettre la répartition de la contribution foncière. Cette délimitation et triangulation du territoire dévoile une image précise et inédite des villes, du réseau viaire, des îlots, parcelles et propriétés. A Lyon, il est établi entre 1830 et 1832, avant les grandes transformations urbaines du XIXe siècle : ainsi, il nous révèle en bien des endroits les facettes de la ville de l’Ancien Régime.

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Les feuilles qui composent ce cadastre sont levées au 1:600e et aquarellées, pour être immédiatement comprises. Les bâtiments " hauts " sont distingués des " bas " ou ateliers par un rose clair ou foncé et la nature des terrains (vignes, jardins, prés...) est précisée. La mise en page de plusieurs îlots met en évidence les connections viaires mais aussi les traboules, connues alors sous le nom " d’allées-passages ", qui permettent d’escalader la pente des collines, traverser les propriétés pour gagner la rivière.

La lecture attentive des matrices cadastrales vient compléter ces informations. Chaque propriété est décrite et les propriétaires et locataires sont identifiés, étage par étage (nom et activité). Un plan au 1:50e détaille la parcelle (allée, cour, escalier, puits...). En confrontant ces données aux constructions actuelles, on peut retrouver leur aspect initial et prendre la mesure des transformations subies. Une première esquisse de datation peut alors être entreprise ainsi qu’une approche sociologique et architecturale de l’habitat.

Le dépouillement de cette source a servi de point de départ à notre recherche sur la rive droite de la Saône, entamée en 1997. Son objectif est de nourrir une réflexion sur la mise en valeur du site, dans le cadre du plan de développement et d’aménagement pour le Vieux Lyon. Nous avons retenu du cadastre ce système en pyramide, partant du général au particulier, associant plans aquarellés et descriptions. Nous l’avons complété de façon à donner une image vivante, et en élévation de la ville ; nos formations respectives d’architecte et d’historien de l’art nous incitant à replacer les informations dans une évolution historique, constructive et stylistique.

Le cadastre de 1830-1832 (1:600e) et le parcellaire actuel (1:500e) diffèrent par l’échelle, le graphisme et l’assemblage. Pour faciliter une lecture directe, ces deux plans ont été redessinés et mis en axonométrie. Les corps de logis sont coupés arbitrairement, entre le deuxième et le troisième niveau, et les façades ne sont pas détaillées, pour éviter toute interprétation. En contrepoint de l’habitat, les édifices publics et religieux sont représentés dans leur totalité et, pour les années 1830, suivant l’apparence qu’ils avaient avant restauration.

Nous avons ensuite complété ces planches par des plans d’évolution urbaine ponctuels, à plus petite échelle (1:2000e). Les événements clefs sont rappelés et l’espace étudié est relié aux quartiers limitrophes, afin de saisir les liaisons entre les opérations conjointes. Là encore, il ne s’agit pas de faire abstraction des plans historiques existants, mais d’en faire la synthèse à une échelle et un graphisme constants.

Enfin, une soixantaine de parcelles situées en bord de Saône, à flanc de colline ont été étudiées. Elles sont représentatives des transformations opérées au cours des siècles et démontrent l’ingéniosité dont ont fait preuve les architectes pour s’adapter aux contraintes du terrain, du découpage parcellaire et de la desserte de plusieurs corps de logis. Chaque parcelle est replacée dans l’îlot et représentée en plan, en axonométrie, en élévation pour les façades (au 1:200e), en vue perspective pour les escaliers et galeries, avec des détails de modénature (1:50e). Un texte en retrace l’histoire et donne des clefs de lecture.

Notre souhait est de faciliter la lecture de la ville dans son évolution en mettant en valeur ce qu’il subsiste des différentes strates du patrimoine.

Bibliographie

L’étude de la rive droite de la Saône a été réalisée pour la ville de Lyon (1999-2000) et la communauté urbaine de Lyon (1997-1998) à l’initiative de l’Agence d’urbanisme et comprend une analyse des transformations du tissu ou des édifices grâce aux documents d’archives, couplée à un relevé et un inventaire photographique et descriptif de chaque parcelle.

Gérard BRUYERE, " Plan, réglementation et planification urbaine ", dans Forma Urbis : les plans généraux de Lyon du XVIe au XXe siècle, catalogue d’exposition des Archives municipales de Lyon, sous la direction de Jeanne-Marie DUREAU, Lyon, Archives municipales, 1997, pp. 205-212, (coll. Les dossiers des Archives municipales, 10).

Nathalie MATHIAN, Du monument historique au site. Évolution de la notion de patrimoine à Lyon, de la Révolution à la Seconde Guerre mondiale, thèse de doctorat, université Lumière Lyon 2, sous la direction de François LOYER, 1994.


Sources

Archives départementales

- Rapports d’experts
- Prix faits de notaires
- Ventes révolutionnaires
- Plans cadastraux napoléoniens (sous-série 3 P)

Archives municipales

- Délibérations consulaires dépouillées par J. Pointet (37 II) et B. Vermorel (3 II)
- Nommées, 1380-1571
- Alignements, XVIIe-XVIIIe siècles
- Matrices du cadastre napoléonien (rive droite de la Saône)
310 Wp 1262-1271
- Plan cadastral napoléonien, section P dite du palais de Justice, 1491 Wp 255
- Série O (voirie), postérieure à 1790