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Gilbert Desruisseaux, facteur de clavecins |
Personnage lyonnais resté méconnu jusquà ce jour, Gilbert Desruisseaux (Moulins, 12 janvier 1650 - Lyon, 13 octobre 1703) figure désormais, grâce aux recherches menées par Vincent Pussiau sur lhistoire de la facture instrumentale lyonnaise, comme lun des plus représentatifs facteurs de clavecins français du XVIIe siècle.
Précurseur incontestable de la future " École lyonnaise " qui sillustrera dans cet art au siècle suivant, la reconstitution de sa biographie et de son activité en fait désormais une figure lyonnaise originale et attestée.
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Fils dun orfèvre moulinois, également cousin-germain de Jean Rousseau (auteur du Traité de la Viole, 1687, et ancien élève du célèbre violiste Monsieur de Sainte-Colombe), Gilbert Desruisseaux entre dans le métier en 1665, chez Pierre Baillon, son grand-oncle maternel, facteur dorgues et dinstruments à Moulins (également graveur du Premier Livre dorgue de Nicolas-Antoine Lebègue, 1676).
Monté avec lui à Paris, il y poursuit sous sa tutelle son apprentissage, se perfectionnant encore pendant deux ans (1670-1672) chez Michel Richard, autre facteur dinstruments parisien réputé.
Muni de ses lettres de maîtrise, il quitte Paris pour Lyon, ville où il sétablit vers 1677 et fonde, en 1678, une association avec le luthier François Gouttenoire, ancien disciple de François Collichon, frère du célèbre " bonhomme " Nicolas (II) Collichon de Paris (cité par Jean Rousseau).
Dans la foulée, il épouse sa fille Guillemette Gouttenoire, alors âgée de 14 ans, puis sinstalle à son compte, rue Lanterne. Sa carrière est désormais exclusivement lyonnaise. Sa vie familiale, dont une période fut pour le moins pathétique, lui donnera au moins trois filles.
Il décède paroisse Saint-Pierre et Saint-Saturnin, âgé " denviron cinquante-deux ans ", paroisse où son acte de sépulture le signale également en qualité dorganiste.
Clavecin Gilbert Desruisseaux, Lyon, vers 1678-1679
Lactivité lyonnaise de Gilbert Desruisseaux, découverte après plus de trente années dun supposé cursus parisien, permet aujourdhui dexaminer, dans un contexte purement lyonnais, le célèbre et unique clavecin marqué au fer " DESRVISSEAVX " sur le sommier, seul instrument qui lui soit attribuable et conservé au musée de la Musique, à Paris (E. 979.2.3).
Létude de ses caractéristiques et particulièrement de sa décoration - superbe au demeurant -, permettent de mieux préciser ses conditions de réalisation et de proposer une datation : Lyon, vers 1678-1679.
En particulier, les papiers-peints de bordure de table ont été réalisés par le graveur lyonnais Philippe Pinchard, décédé en 1678, et dont lactivité à cette époque est attestée par plusieurs ouvrages de la bibliothèque municipale de Lyon (fonds ancien).
Pour sa part, la peinture intérieure du couvercle paraît être directement inspirée de loeuvre animalière du peintre Paulus Potter dont le lion couché, figurant en allégorie lyonnaise dans le coin inférieur gauche, est précisément (et par le plus pur hasard ...) une copie du lion couché n° 3 de la série de huit cuivres gravés du musée de lImprimerie et de la Banque à Lyon (gravure de M. de Bye et N. Visscher, 1664).
Anecdote historique : en 1714, lacadémicien Laisné proposera comme devise pour le cachet de la nouvelle académie des beaux-arts lyonnaise : " Un Orphée jouant de la lyre devant un lion qui lécoute " ... Une allusion au clavecin de Gilbert Desruisseaux ?
Bibliographie
Vincent PUSSIAU, dans : Dictionnaire de la musique en France aux XVIIe et XVIIIe siècles, sous la direction de Marcelle BENOIT, Paris, Fayard, 1992.
Vincent PUSSIAU, dans : Makers of the Harpsichord and Clavichord, 1440-1840, Donald H. BOALCH, 3ème édition, Oxford, Clarenton Press, 1995.
Vincent PUSSIAU, dans : Musée de la musique [Guide du], Paris, Cité de la musique et Réunion des Musée Nationaux, 1997, pp. 88-89.
Vincent PUSSIAU, " Gilbert Desruisseaux, facteur de clavecins lyonnais ", Musique-Images-Instruments, n° 2, 1996, Paris, Klincksieck, 1998, pp. 150-167.
Vincent PUSSIAU, " Lyon et la facture instrumentale aux XVIIe et XVIIIe siècles ", Bulletin de la Société historique, archéologique et littéraire de Lyon, tome XXIII, mars 1998, Lyon, Archives municipales, pp. 65-93.
François LESURE, Dictionnaire musical des villes de province, Paris, Klincksieck, 1999.
J.-F. HEINTZEN, Joueurs & faiseurs dinstruments à Moulins au XVIIe siècle, 1579-1707, mémoire de maîtrise dhistoire, sous la direction de M. B. DOMPNIER, université Blaise Pascal, Clermont-Ferrand 2, septembre 2000.