Histoire d’un lustre (fragment)
Un portrait. Notes pour une recherche à faire

Le domaine de prédilection de Bernard Thaon est la production architecturale du XIXe siècle et plus particulièrement les théâtres et autres dispositifs spectaculaires comme les expositions universelles. Il a choisi de présenter les plans d’un lustre identifié par Gilbert Richaud, dessinés par l’entreprise parisienne Clémançon, spécialiste de l’éclairage des salles de spectacle, lors de la modernisation de l’éclairage du théâtre des Célestins, à Lyon (passage du gaz à l’électricité en 1888). Le troisième document, découvert par hasard lors d’une recherche pour une exposition consacrée au mythe de l’Arlésienne, est l’affiche publicitaire d’une maison de parfumerie.

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Histoire d’un lustre (fragment)

A l’article " lustre " de son Dictionnaire historique et pittoresque du théâtre (1885), A. Pougin constatait : " Aujourd’hui, on se borne à peu près partout à un lustre unique et d’une grande puissance éclairante. " Règle de composition architecturale ou usage largement répandu ? L’importance des équipements théâtraux à Lyon au XIXe siècle permet d’examiner cette question.

Les deux dessins, réalisés à grande échelle (1:5e), présentent un projet de modification de la partie inférieure du lustre posé en 1881. Les deux solutions (l’une du 29 janvier 1887, l’autre du 3 novembre 1886 ou 88) proposées concernent la disposition du luminaire et la puissance des sources (becs "Cromartie"). Le code graphique employé et les pièces écrites permettent d’identifier une structure de fer dorée et habillée de pièces de métal (cuivre et zinc peint ?) et de verre. On observe deux type de sources : des " bougies " pour donner un éclairage chatoyant et des becs de grande puissance pour illuminer toute la salle.

La correspondance conservée entre Clémançon et Hirsch, architecte de la Ville, montre les réticences de l’entrepreneur face à l’électricité qu’il jugeait peu fiable. Il proposait donc un système mixte (lampes à incandescence avec possibilité d’utiliser le gaz) dont les dessins présentés rendent peut-être compte.

Un portrait. Notes pour une recherche à faire

1994. Dans la partie de l’exposition des Archives municipales, Lyon 1894, consacrée à l'exposition universelle, je remarque un dessin de Chermette, "Le Khora", qui montre des arlésiennes sous un kiosque de style oriental.

1998. Travaillant sur l’Arlésienne et la triade femme/parfum/Orient rêvée par le XIXe siècle, je me souviens de l’image de Chermette ; un sondage dans les archives est décevant mais offre le portrait d’une jeune femme titré " Parfumerie élégante Gallin-Martel/Ancienne Maison Briau et Cie " avec, sur le cadre, une calligraphie 1900, " Parfumerie Briau et Cie ".

Briau appartenait au comité de patronage et d'organisation de la classe parfumerie de l'exposition de 1894. L’Indicateur lyonnais Henry (1883) atteste la présence de " Briau et Cie " dans la rubrique " marchand de parfumerie fine, ganterie " et celle de Gallin-Martel parmi les fabricants de parfumerie. Le libellé de l’affiche évoque une alliance industrielle et commerciale - peut-être doublée d’une alliance familiale. Jean-Baptiste Gallin-Martel (né en 1831 ou 32) aurait-il épousé Marie Briau (née en 1836 ou 37) qui serait la jeune femme à l’abondante chevelure représentée sur l’affiche ? Sa pose évoquerait-elle un retour de bal, la rose rappelant l’identité odorante du parfum ? Une autre hypothèse semble plus pertinente : il s’agirait d'une statue placée dans un paysage de parc évoquant l’atmosphère d’un XVIIIe siècle français fait d'élégance et de tendre sensualité. Hébé ou l’une des trois Grâces en allégorie de la Parfumerie. Reste l’ambiguïté : femme ou statue, que l’on pourrait lever en imaginant une statue devenue femme ou une femme ayant la jeunesse éternelle du marbre, par la magie d’un parfum. Mais peut-on lire ainsi cette image produite à l’ère de la préhistoire de la pub ?



Bibliographie

Dictionnaire encyclopédique du théâtre, sous la direction de Michel CORVIN, Paris, Bordas, 1991.

Bernard THAON, " L’éclairage au théâtre ", Histoire de l’art : architecture et arts du spectacle, n° 17-18, 1992, pp. 31-43.