L’inventaire des titres
et papiers de la compagnie Perrache

" Nous mourrons mais nos actes ne meurent pas, car ils se perpétuent dans leurs conséquences infinies. Passants d’un jour, nos pas laissent dans le sable de la route des traces éternelles. Rien n’arrive qui n’ait été déterminé par ce qui l’a précédé et l’avenir est fait de prolongements inconnus du passé ". Cette citation de Jules Verne pourrait résumer ce document qu’est l’inventaire des titres et papiers de la compagnie Perrache. Ce registre fait partie d’un fonds d’archives privées, comprenant des documents relatifs au fonctionnement, aux travaux, à la comptabilité, aux membres de l’entreprise des Travaux du Midi de Lyon. Il a été donné aux Archives municipales de Lyon en 1990 par M. de Fleurieu. Source d’informations importante pour les historiens, ce document illustre aussi l’une des missions fondamentales des archivistes.

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Cette compagnie, comme en témoigne l’inventaire, fut constituée le 28 décembre 1771. Sa création servait à financer le projet d’Antoine Michel Perrache, les actionnaires fournissant un capital de 1 500 000 livres. Une fois les travaux effectués (création de la chaussée Perrache, percement du canal entre les deux fleuves, construction du pont de La Mulatière), l’entreprise des Travaux du Midi de Lyon reçut la seigneurie directe et la propriété de toutes les terres à aménager. La compagnie Perrache passa de 25 actionnaires en 1771 à 44 en 1815, avec des noms aussi importants que Soufflot, le comte de Laurencin, Nicolau de Montribloud, le marquis Charles de Masso de la Ferrière... Mais la Révolution, et surtout de graves problèmes financiers eurent raison de cette compagnie, qui fut dissoute le 19 juillet 1826.
Ce fonds d’archives n’est certes pas important. Mais il mériterait d’être exploité à différents titres. Tout d’abord il pourrait être à la base d’une étude monographique sur la compagnie, ses démêlés avec la ville de Lyon, ses objectifs, ses problèmes. Il serait aussi intéressant de se plonger dans une recherche plus vaste sur les actionnaires afin, peut-être, d’étudier les sociabilités de cette entreprise. Enfin, le dépouillement de ce fonds peut constituer le point de départ d’une importante analyse sur l’histoire du quartier Perrache, par une approche urbanistique, industrielle, ou même sociale.

D’un point de vue archivistique, l’inventaire de la compagnie Perrache témoigne de cette mission fondamentale de l’archiviste qu’est la conception d’instruments de recherche. Leur rôle est de donner accès aux documents et ainsi de les faire exister. Ils sont donc, selon l’expression de Michel Duchein, la " clé du trésor ".
L’inventaire de la compagnie Perrache présente des analogies avec un instrument de recherche classique : une description à plusieurs niveaux, un classement respectant la composition de l’entreprise, un index par nom de personne et type d’actes. Et, faut-il le rappeler, le document date de mai 1819...
Les cartons sont décrits par grandes fonctionnalités de la compagnie (titres, actes et délibérations ; précis, procurations, traités ; acquisitions, échanges et ventes ; pont de La Mulatière ; affaires courantes ; affaires terminées), puis ils sont subdivisés en liasses, dont chaque pièce est numérotée.
Le seul problème de cet inventaire réside dans le fait qu’il décrit beaucoup plus d’articles qu’il n’y en a actuellement dans le fonds de la compagnie. Cela sous-entend, bien évidemment, que certains de ces documents ont disparu. Le premier article du troisième carton, première liasse, est décrit de la manière suivante : " 1771 mars 7, Vente d’un pré à la Guillotière par Pierre Godinot à la compagnie pour 23000 livres. ". Il ne s’y trouve plus. Toutefois, la précision des analyses des pièces permet, dans une certaine mesure, de pallier ces lacunes.

Mais ce document est surtout la preuve que " Nous mourrons mais nos actes ne meurent pas, car ils se perpétuent dans leurs conséquences infinies. Passants d’un jour, nos pas laissent dans le sable de la route des traces éternelles ". N’est-ce pas là l’un des aspects des archives ?