Le Consulat de Lyon pendant les guerres de religion

Le XVIe siècle fut pour Lyon une période de gloire et de désastres. La cité était l’incontestable capitale financière de la France et un grand centre commercial international grâce à un site naturel incomparable et aux privilèges de ses foires. De plus, le consulat lyonnais jouissait d’une orgueilleuse tradition d’autonomie. Mais le manque de représentants étatiques officiels dans la cité et le souci qu’elle avait de préserver sa liberté la rendaient vulnérable aux influences extérieures. Ainsi, le début des guerres de religion en 1562 entraîna une grave crise sociale et religieuse qui coïncida avec le déclin de la suprématie lyonnaise.

Les archives du consulat lyonnais permettent de reconstituer en détail la vie de la cité à cette époque. Elles sont très abondantes : registres consulaires (série BB) renfermant les minutes des trois séances de délibérations hebdomadaires et comptes-rendus des assemblées générales des habitants ; correspondance des conseillers (série AA), livres de comptes (série CC) et divers fonds traitant de sujets plus spécifiques, notamment la religion. Je rends ici hommage aux érudits des siècles passés, en particulier Marc-Antoine Chappe, Eugène Vial et Jean Tricou, sans les inventaires desquels mon travail n’eût pas été possible.

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Créé en 1320 par charte royale, le consulat lyonnais vit son pouvoir et son influence s’accroître au cours des deux siècles suivants, en liaison avec la richesse grandissante de ses membres marchands. Charles VIII anoblit le Consulat en 1495 et Lyon prit de l’importance comme relais vers l’Italie qui intéressait de plus en plus la couronne de France. Lyon devint ainsi une ville prospère comptant parmi les plus importantes cités d'Europe. Les " syndicats " enluminés qui consignent l’élection annuelle des échevins à la Saint-Thomas attestent l’optimisme du gouvernement urbain.

Le Consulat était ouvert aux idées de la Renaissance. Il créa une école municipale, le collège de la Trinité (actuel lycée Ampère) pour dispenser une culture latine aux enfants. Le personnel du Collège rédigeait aussi des discours en latin pour les manifestations civiques, et publiait des histoires, des poésies et des documents réglementaires, comme les privilèges des foires, édités en 1560 par Barthélémy Aneau, principal du Collège. La prospérité de l’imprimerie attirait des intellectuels de toute l’Europe ce qui rehaussa la réputation cosmopolite de la cité.

Mais, au début de la Réforme, l’ouverture commerciale et la circulation d’idées nouvelles permirent l’entrée clandestine de publications protestantes venues de Genève. Une partie du personnel du Collège fut suspectée de penchants hérétiques et on peut penser que des membres du Consulat furent aussi attirés par la nouvelle religion.

Le gouvernement de la cité lutta pour s’adapter au contexte troublé. Des accès de violence se déclenchèrent dans les deux partis : les agitateurs protestants firent une tentative d’insurrection en 1560 et Barthélémy Aneau fut assassiné en 1561 par une ligue coléreuse l’accusant de protestantisme.
Finalement, au début du conflit armé en 1562, la cité divisée tomba aux mains d’une armée protestante et Lyon devint une " seconde Genève " jusqu’à ce que l’édit d’Amboise en 1563 instaurât dans la ville une trêve agitée.

Après 1563, le gouvernement de la cité, officiellement bi-confessionnel, fut peu à peu envahi par les catholiques. Ce processus s’accéléra quand, en 1565, les Jésuites furent invités à diriger le Collège. Puis, en 1567, une nouvelle explosion de violence aboutit à la purge des institutions municipales et à l’arrestation de nombreux huguenots.
Les listes des " Huguenotz reduictz et non reduictz " dressées par les capitaines penons témoignent de la volonté du parti catholique de soustraire la cité à l’influence protestante, détermination qui mit fin à la tradition de cosmopolitisme modéré. L’hostilité des élites et les passions de la foule aboutirent aux massacres de protestants, connus sous le nom de " Vêpres lyonnaises ", qui ensanglantèrent les derniers jours d’août 1572.


Bibliographie

Timothy WATSON, The Lyon city council 1525-1575, doctoral thesis, Oxford Dphil, 1999.

Timothy WATSON, " Friends at Court : the correspondence of the Lyon city council C. 1525-1575 ", French History, vol. 13, n° 3, 1999.

A paraître

Timothy WATSON, " When is a Huguenot not a Huguenot ? Lyon 1551-1572 ", in The adventure of religious pluralism in early modern France, ed. by K. Cameron, M. Greengrass, P. Roberts, (Peter Lang, 2000).

Timothy WATSON, " Printing, preaching, psalmsinging : the making and unmaking of the reformed church in Lyon ", in Society and culture in the huguenot world 1559-1685, ed. by R. Menzter and A. Spicer, (C.U.P., 2001).