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Parc Blandan

Période(s) : Médiéval, Moderne

Opération : diagnostic d'archéologie préventive (achevé)

Dates de l'opération : 24 avril - 22 juillet 2009

Opérateur : Service archéologique de la Ville de Lyon

Aménageur : Grand Lyon


Le château de la Motte

La maison forte de la Motte s’est installée dans le courant du XVe siècle au sommet d’une butte naturelle. Les données historiques et archéologiques ne plaident pas plus que la topographie en faveur de l’hypothèse d’un établissement castral antérieur à la maison où se réunit le Parlement de Grenoble en 1476. Cette dernière pourrait bien avoir été bâtie ex nihilo , peu de temps avant cette première mention, et témoigner tout simplement des ambitions d’une famille de patriciens – les Villeneuve – « en route vers la noblesse ».

Les dépendances agricoles, nécessaires à la gestion du domaine, semblent avoir été bâties au cours de la seconde moitié du XVIe siècle. Au début du XVIIe siècle, elles comprennent deux estableries avec greniers, un chappis (auvent) couvert de tuilles soûtenu de deux pilliers où il y a un truel (pressoir), un bachat (bassin) joignant au corps de logis et deux granges. L’ensemble, clos de murs, s’ouvre au nord par un large portail à deux vantaux.

A partir de 1655, les religieuses du Tiers Ordre Saint-François du premier monastère de Sainte-Elizabeth de Bellecour acquièrent progressivement les différentes parts du château alors aux mains des 19 descendants d’Hugues Dupuys, qui l’avait lui-même acquis en 1530 de Charles de Villeneuve. En 1687, elles en deviennent les seules propriétaires.

Au milieu du XVIIIe siècle, une vaste terrasse est construite au-devant de la courtine occidentale du château en lieu et place du mur de clôture représenté sur le Pinax iconicus de 1556. L’accès au portail principal du château se fait quant à lui par un chemin en cailloutis régulièrement entretenu.

Le domaine, mis aux enchères le 15 janvier 1791, est acquis par Pierre Etienne Verd, citoyen de Lyon. Lorsqu’est dressé le cadastre napoléonien de la Guillotière, en 1824, il est la propriété de François Ducreux depuis trois ans. Il couvre alors 17,6 ha, soit à peu de chose près la surface déclarée lors de la vente du château en 1530 (17,3 ha). La nature et la surface des différentes parcelles dévoilées par la matrice cadastrale, ainsi que les observations archéologiques faites dans ce secteur, laissent supposer que l’organisation interne du clos n’a qu’assez peu varié depuis le XVIe siècle.

Le fort Lamotte

Ducreux ayant rejeté comme insuffisante l’offre amiable du général Rohault de Fleury, chargé depuis 1830 des travaux de défense de Lyon, le domaine de la Motte est exproprié le 31 août 1831. Le 27 septembre suivant les militaires sont en possession des lieux. Les travaux commencent aussitôt. Le fort Lamotte est bâti sur le modèle des « forts de choc » de la rive gauche du Rhône. Sa bipolarité est très marquée. Du côté de la campagne (front d’attaque), l’organisation de ses bastions, trapus, est directement commandée par les « impératifs de la stratégie ». A l’opposé, la gorge, presque sans défense, s’ouvre largement sur la ville.

Le plan du réduit, installé au centre du corps de place, est arrêté dès 1831. Sa réalisation nécessite d’importants terrassements. Il s’agit de créer au sommet de la butte naturelle une vaste plate-forme contenue par un mur d’escarpe. A l’arrière de cette plate-forme, s’élève, sur trois niveaux sur caves, une caserne voûtée à l’épreuve de l’artillerie, capable d’accueillir 196 hommes. Un imposant talus occupe et délimite les trois autres côtés et prend appui sur les pignons convexes de la caserne. Plusieurs terrasses, accessibles par des rampes, sont aménagées en son sommet afin de recevoir l’artillerie. En contrebas, le fossé qui sépare le réduit de l’enveloppe est flanqué par trois bastionnets. Le premier, en capitale, est accessible depuis la cour centrale, par une galerie aménagée sous le talus. On parvient aux deux bastionnets de la gorge, quadrangulaires, par le chemin de ronde qui prend naissance à chaque extrémité de la caserne.

Une coursière de fusillade, aménagée dans la contrescarpe, complète la défense du fossé du réduit, tout en maintenant, selon le projet initial, les remblais qui constituent l’enveloppe. Aux dires des ingénieurs militaires espagnols qui visitent le fort en 1844, le front d’attaque « bastionné, ne présente aucune caractéristique notable », à l’exception d’un petit ravelin au-delà du fossé et, plus en avant encore, sur la capitale, d’une lunette de terre non revêtue et ouverte à la gorge. Au nord et au sud, deux coupures isolent de la gorge les parties de l’enveloppe tournées vers la campagne. Pour le directeur des fortifications, « ces coupures sont une partie essentielle de ce système de fortification et en doublent la valeur. Sans elles, dès que l’ennemi serait maître de la 1ère enceinte, la défense de la 2e enceinte qui sert de réduit et de cavalier serait compromise ». La liaison entre la coupure méridionale, entièrement revêtue, et le fossé du réduit est défendue par une série de batteries casematées, dont l’entrée est protégée par un batardeau.

Au sud-ouest, la forme particulière de la fortification est conditionnée par le château de la Motte, conservé par le général Fleury pour le logement des officiers. Le flanquement de ce front tenaillé que cantonnent deux bastions est assuré par une petite caponnière découverte installée en son centre. La contrescarpe de ce front est la seule revêtue ; elle est casematée en vue de flanquer le fossé qui, à cet endroit, fait un angle (actuellement sous la rue du Repos).

Sur quatre de ses fronts, ce fort pentagonal est bordé par un large fossé qui, en 1844, n’est encore qu’ébauché. Seul le front de gorge en est dépourvu, mais sa défense est assurée par la dénivelée de la terrasse qu’une courtine de terre accentue. En contrebas, du côté de la ville, « une vaste esplanade […] fermée par un mur crénelé et bastionné renferme un casernement pour 860 hommes avec tous ses accessoires, un magasin à poudre, de grands magasins d’artillerie avec une salle d’armes pour 30 000 fusils, un magasin du Génie . » C’est par cette esplanade que l’on accède au réduit. Au droit d’une ouverture pratiquée dans la courtine en terre, un pont dormant permet de franchir le fossé. De là, « l’on accède au terre-plein bas de réduit en passant sous le premier étage de la caserne . »

En 1835, le fort est achevé conformément au projet initial ; seul l’aménagement des dehors reste à faire. Neuf ans plus tard, « les fossés de l’enveloppe en terre n’ont pas encore d’eau devant le front d’attaque et les autres ne sont pas suffisamment larges et profonds. Des déblais et des dragages très considérables sont encore à faire pour les terminer. » On avait, à tort, espéré qu’ils seraient exécutés gratuitement par les particuliers qui profitent du gravier pour leurs constructions.

Les travaux sont relancés par l’inspection générale de 1847 : il est urgent de mettre en état de défense le « point d’attaque probable de la rive gauche du Rhône ». Deux options se présentent au nouveau chef du Génie, le colonel Goury : soit creuser son fossé de manière à le rendre infranchissable par la présence des eaux filtrant au travers des graviers, soit entourer son enceinte de terre d’une escarpe revêtue. « La défense uniquement par les eaux exigeant des déblais considérables par la situation du fort sur le point le plus élevé de la ligne fortifiée, on a réuni les deux moyens en adoptant une escarpe revêtue de 8m de hauteur sur le front extérieur et les 2 demi fronts collatéraux jusqu’aux coupures et une cunette de 12m de largeur au milieu du fossé infranchissable par 2m de profondeur d’eau. L’escarpe revêtue avait en outre l’avantage d’agrandir considérablement l’espace intérieur et c’est particulièrement ce qui a décidé le directeur supérieur à l’adopter et à renoncer pour ce fort à l’unité d’organisation des défenses de la rive gauche du Rhône. Pour ajouter aux défenses de la partie d’enceinte revêtue, les deux flancs qui battent l’emplacement présumé des batteries de brèche ont été casematés afin de doubler la ligne de feu sur ces points. La partie des fossés des deux fronts collatéraux depuis les coupures jusqu’à l’intérieur étant déjà creusée à peu près à la profondeur voulue, on lui a laissé son organisation primitive, avec un simple fossé d’eau sans revêtement en arrière. »

En moins de deux ans, l’ensemble des maçonneries et une partie des dehors sont achevés. On exproprie au nord-est pour agrandir le glacis et au nord-ouest pour isoler, par un chemin de ronde, le fort des maisons de la Guillotière. A la gorge, on supprime la courtine de terre pour démasquer la caserne du réduit. Le manque de moyens chronique empêche toutefois de donner aux fossés l’ampleur souhaitée par le Génie. Pourtant, dès 1855, la cunette est en eau.

La construction d’une seconde ceinture de forts conforme aux vues du général Séré de Rivières entraîne le déclassement de l’enceinte de la rive gauche du Rhône, prononcé le 21 août 1884. S’il perd son rôle stratégique, le fort Lamotte doit en revanche contribuer à « la reconstitution des ressources de casernement appelées à disparaître » avec les forts de Charpennes, des Brotteaux et du Colombier. Le casernement des 2596 hommes de la brigade d’infanterie du 14e Corps qu’il doit accueillir nécessite la construction de nouveaux bâtiments. Pour leur faire place, les talus du réduit sont arasés et son fossé comblé. Sa caserne est démolie en 1886. Les fossés extérieurs, où se déversent tous les égouts du fort, sont asséchés par mesure d’hygiène.



Vestiges du portail
© SA Ville de Lyon

Batteries casematées sous le bastion oriental
© SA Ville de Lyon