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27 rue Auguste Comte


Adresse :
27 rue Auguste Comte, 69002 Lyon

Période(s) d'occupation : Antiquité, Moyen-Age, Période Moderne

Opération : fouille archéologique

Dates de l'opération : 2015

Opérateur : Service archéologique de la Ville de Lyon

Aménageur : Immobilière 27AC


La fouille préventive réalisée au 27 rue Auguste Comte a permis la mise au jour de vestiges antiques relativement bien conservés qui viennent compléter les résultats de l’opération effectuée en 2007 sur la parcelle voisine du 30 rue Sainte-Hélène. Ces deux chantiers archéologiques, menés par le SAVL, permettent aujourd’hui de mieux appréhender les premières occupations romaines dans le secteur sud de la Presqu’île et autorisent la restitution partielle d’un îlot antique.

Un premier diagnostic avait été effectué sur cette parcelle en 2013. Consultez les résultats du diagnostic.


Genèse d’un secteur antique de la Presqu’île

Au début de l’époque tibérienne, un vaste programme de construction touche le tènement situé entre la rue Auguste Comte et la rue Sainte-Hélène, alors vierge d’installation humaine et semble-t-il exposé aux débordements du Rhône et/ou de la Saône.

Préalablement à la première occupation, d’importants travaux de remblaiement (état 1a) permettent la création d’une terrasse constituée par une grave plus ou moins grossière qui rehaussent le terrain de près de 0,90m. Deux phases de terrassement sont associées à des niveaux de chantier se rapportant à la construction des premiers bâtiments. Les vestiges se matérialisent par plusieurs épandages de mobilier et de matériaux (argile, tuiles, blocs de gneiss et de granite) en relation avec un foyer sommaire et une aire de gâchage de mortier.

Les nombreuses céramiques à usage culinaire présentes à proximité immédiate de la structure foyère privilégient une utilisation domestique et autorisent une datation vers 15 apr. J.-C. L’identification d’une installation de chantier in situ est renforcée par la présence de quatre amphores écrasées sur place, parmi lesquelles deux, quasiment complètes, servaient au stockage de la chaux. Après une première étape de construction, intervient une seconde phase de remblaiement permettant l’extention de la terrasse vers le sud et entrainant ainsi le recouvrement de l’installation de chantier.

Ainsi, les vestiges du 27 rue Auguste Comte constituent une installation antique précoce (vers 15 apr. J.-C.) par rapport à la majorité des fouilles réalisées dans le sud de la Presqu’île où, exception faite de quelques chantiers, l’implantation humaine ne semble pas intervenir avant la fin de la 1ère moitié du Ier siècle.

L’aménagement d’une « grande » domus et d’espaces commerciaux au début du règne de Tibère.

Les espaces identifiés autorisent la restitution, vers 15 apr. J.-C., d’une partie de l’organisation d’un îlot antique et de son bâti. Les différents sols et structures porteuses mis au jour permettent la détermination d’au moins 17 à 18 pièces appartenant à deux ensembles fonctionnels distincts : d’une part un espace domestique (une domus), de l’autre des locaux commerciaux (des boutiques et/ou des entrepôts). La construction, homogène et orthonormée, fait exclusivement appel à la technique du pan de bois à paroi d’argile crue (adobe), associée à quelques massifs maçonnés supportant les poteaux porteurs. L’ensemble des murs et des cloisons repose sur des sablières basses, pouvant dans certain cas être disposées sur un système de support en pierre sèche (solins ou blocs discontinus). Quelques murs de refends sont également construits selon la technique du poteau planté.

L’occupation de l’état 1b perdurera jusque vers 70/80 apr. J.-C., avec une phase de réfection qui touche la domus vers 50 apr. J.-C. (état 1b2). L’orientation des vestiges, implantés N27°E, est cohérente avec celles déjà relevées dans le secteur sud de la Presqu’île (N24°E à N26°E). Cette dernière observation entraîne naturellement un constat : les sites environnants et plus récents du sud et du sud-ouest de la Presqu’île paraissent donc avoir repris l’orientation d’une trame « urbaine » déjà existante et mise en place dans ce secteur dès le début du règne de Tibère.


Le plan partiel de la domus : La Maison « aux sols peints ».

La restitution d’un plan appartenant à une seule domus paraît le plus crédible au regard des vestiges, de leur évolution, et des rares comparatifs dont on dispose dans l’environnement proche du site. En effet, le type de construction observé rue Auguste Comte ou rue Sainte-Hélène est très homogène, tant du point de vue des techniques que des matériaux utilisés (pans de bois et hourdis d’adobe, fondations et bases maçonnées de piliers, chaînage d’angle renforcé de tuiles, …), laissant ainsi présager un même « bâtiment ». Les altimétries des sols sur les deux chantiers sont identiques, notamment sur les sols bétonnés qui présentent exactement la même facture.

Dans le cadre de deux domus, donc hypothétiquement de deux programmes immobiliers, on aurait pu s’attendre à quelques dissemblances. Mais les arguments les plus probants pour l’identification d’un seul habitat tiennent principalement à la restitution de la cour et au décalage du mur constituant la limite nord du bâti domestique. La cour apparaît comme l’élément central organisant le plan de la domus. Le développement que l’on peut envisager est directement lié à son évolution et à sa restitution à l’état 2. En effet, les limites nord, sud et ouest de la cour de l’état 1 sont reprises à l’état 2 ; il ne semble donc pas y avoir de modification majeure dans son emplacement ou ses dimensions que l’on peut évaluer plus précisément à l’état 2, grâce au rythme des bases de pilier du péristyle espacées de 4 m à l’entraxe. Ainsi, on peut proposer la restitution d’une cour 11,60 m à 12 m de long par 7,50 m de large dès l’état 1.

On peut donc restituer un habitat de plan rectangulaire se développant sur 30 m de longueur et au minimum 16,50 m de largeur, soit au moins 495 m2. Il demeure difficile de statuer sur l’extension du site vers le sud. Néanmoins, on peut être certain que les pièces s’organisent selon quatre ailes se déployant autour d’une cour centrale rectangulaire. On peut émettre le postulat d’une aile sud de largeur plus ou moins similaire à l’aile nord (soit 4,90 m à 5 m), vu la régularité des modules des pièces identifiées. Cette hypothèse proposerait alors une domus d’environ 17 m de large, pour une surface de 510 m2. Ces dimensions restent modestes mais trouvent une comparaison directe avec la maison de l’Hôtel-Dieu dont la façade nord pourrait atteindre 31 m de long et où les superficies envisagées avoisinent 550 m2 à 870 m2.

Un long couloir de 1,60 m de large (pièce J) traverse les espaces commerciaux, depuis une rue dont on pressent la proximité au nord, et crée une entrée désaxée par rapport au plan de l’habitat. Il s’ouvre sur une pièce de 3,80 m par 4 m qui peut faire office de vestibule (Pièce F), située à l’angle nord-ouest de la cour. Un accès secondaire, large de 1,80 m (pièce S), paraît envisageable depuis une arrière-boutique dans l’angle nord-est de la domus. Trois pièces aux sols bétonnés (pièces A, C et R) occupent les angles de la maison et correspondent très vraisemblablement à des pièces de réception : triclinium, oecus ou tablinum. L’un des terrazzo est recouvert d’une peinture couleur lie de vin (pièce A). Ce type de finition peut également être présumé pour la pièce C. Aucun dispositif de circulation périphérique couvert ne semble avoir été aménagé dans la cour. Cependant, la disposition
de la pièce E, associée à un large passage axial donnant sur l’espace ouvert (espace G), évoque un portique semiclos, desservant les différentes pièces de l’aile ouest de la domus et permettant une communication entre les ailes nord et sud. On peut se rapprocher ici du cas de certaines pastàs hellénistiques partiellement fermées.

Les espaces commerciaux de l’état 1 : tabernae et/ou horrea.

Une série de locaux commerciaux se développe sur les façades ouest, nord et sud de l’habitat. Ce type d’agencement et d’association est bien connu dans les espaces urbains antiques. On peut citer quelques exemples assez proches de Lyon, notamment à Augst (insula, 23), à Avenches (insula, 12), ou à Saint-Romain–en-Gal (Maison aux Colonnes, Maison au Portique peint, …). Le site lyonnais permet de distinguer au moins 11 espaces commerciaux, dont les vestiges dégagés sur 5,60 à 8,80 m de long permettent de restituer des locaux étroits et allongés, dont certains comportent une subdivision interne (boutique et arrière boutique). On peut ainsi envisager la restitution de trois modules concernant ces espaces : l’un de 3,60 m de large sur 9 à 10 m de long (module 1 : 32,40 m2 à 36 m2), un second de 3,80 à 4 m de largeur (module 2 : 34,20 m2 à 40 m2) et un troisième de 5,20 m à
5,40 m de large (module 3 : 46,80 m2 à 54 m2). Ces modules trouvent de nombreuses comparaisons notamment à Saint-Romain-en-Gal. Ainsi, La façade ouest de la « Maison aux Colonnes » (état 2) présente 8 à 9 boutiques de dimensions régulières de 4 m de large par 9m de long. De même, six locaux commerciaux de la « Maison au Grand Péristyle » offrent des dimensions similaires de 5 à 5,50 m de large pour 10 m de long. Enfin, on peut mentionner les structures de la « Maison au Portique peint » de 4,50 m de large avec une longueur variant de 8,50 à 10,50m. Au moins 9 locaux, sans doute 10, peuvent être restitués en façade nord de la domus et s’étendent très probablement au bord d’une voirie d’axe ouest/est. Quelques éléments nous renseignent sur les aménagements internes de certains de ces espaces. Ainsi, au moins trois à quatre d’entre eux possèdent un cloisonnement interne qui subdivise le local en deux pièces : boutique et arrière boutique. La pièce K1, appartenant au local 11, comporte les traces de ce que l’on peut interpréter comme une cage d’escalier menant à un étage. Le même type de structure peut être suspecté dans le local 7, où deux cloisons sont espacées de 0,70m de large. De même, deux salles (local 6 et 11) possèdent un petit foyer construit, de forme hexagonale, installé dans un creusement circulaire. On ne peut pas attribuer une fonction spécifiquement artisanale à ces foyers, une utilisation domestique paraît tout autant envisageable. Enfin, des planchers sur lambourdes constituent les sols de trois à quatre locaux commerciaux (locaux 1, 2, 13 et 14). Les entrepôts semblent avoir eu régulièrement recours à ce type d’aménagement de sol qui peut favoriser la protection des denrées stockées.

Un possible accès entre la domus et le local 6 renforce la relation qu’entretient cette dernière avec les espaces commerciaux. Ce rapport étroit, que l’on perçoit déjà à travers le programme de construction, permet sans doute d’établir un lien de propriété entre l’habitat et au moins une partie de ces espaces. Il reste difficile de déterminer la destination exacte de ces locaux : boutiques, ateliers d’artisans ou petits entrepôts. D’ailleurs, les trois types de
structures ont pu coexister.


L’îlot et l’habitat d’un quartier fluvial et portuaire.

Les vestiges de l’état 1 par leur nature ou leur organisation, associant espace domestique et espaces commerciaux, peuvent apparaître comme typique d’un quartier fluvial et portuaire ; ils trouvent en cela de nombreux points de comparaison avec Saint-Romain-en-Gal (Rhône). Le site confirme en partie les constatations déjà effectuées pour la Presqu’île, présentée comme un quartier de riches domus associées à d’importantes activités commerciales. La proximité de la fouille du 16 rue Bourgelat (Lyon 2e), avec son
probable quai de déchargement, renforce ce portrait et atteste d’une activité portuaire fluviale dans ce secteur de la Presqu’île. Il n’est pas simple de déterminer le niveau de richesse auquel renvoie la domus de l’état 1. Si elle ne peut pas être caractérisée d’habitat d’une grande richesse, elle ne nous apparaît pas pour autant modeste. En effet, même si l’on est loin des milliers de mètres carrés de certaines maisons, on atteint dans notre cas une superficie d’environ 500 à 510m2 au sol, dont près de 423m2 concernent des espaces construits et couverts. Il faut ajouter à cette surface l’existence d’un étage sur au moins une partie de l’habitat. Dix pièces ont pu être dégagées lors des deux opérations archéologiques, mais si l’on se fie à leurs modules, qui paraissent assez standardisés, on peut restituer 15 à 16 salles. Au moins trois de ces pièces présentent un sol bétonné, peint dans deux cas. Même s’il ne s’agit pas de sols mosaïqués ou pavés de marbre, ces « terrazzo » ne doivent pas pour autant être négligés et relégués aux pièces secondaires. De même, si la qualité des enduits peints peut paraître plutôt moyenne, les décors de triple filets entre les interpannaux et de candélabre à base de volute et de rubans, attribuable au IIIe style, indiquent une attention certaine portée à l’ornementation de ces espaces. Ainsi, dans un contexte chronologique précoce pour la Presqu’île (vers 15 apr. J.-C.), la Maison «aux sols peints » des rues Auguste Comte et Sainte-Hélène présente le plan, l’organisation et les éléments architecturaux d’un habitat pouvant être qualifié d’aisé ou de « standing » (oecus et triclinium ornés de peintures et sols bétonnés peints).

Vers l’habitat d’une élite urbaine ?

La reconstruction d’une domus à péristyle fonctionnant entre 80 et 120 apr. J.-C. (état 2) provoque une réorganisation de l’habitat. La persistance de certaines limites atteste cependant une continuité dans le lotissement et l’occupation de la parcelle entre l’état 1 et l’état 2. On ne constate pas une grande évolution de forme ou de superficie par rapport à l’état précédent. Le plan demeure rectangulaire organisé autour d’une cour centrale, et c’est l’organisation interne de l’habitat qui subit les modifications les plus importantes. Les transformations apportées à l’état 2, sont réalisées dans le but évident de lui accorder plus de prestige et un caractère ostentatoire. L’adjonction d’un péristyle et d’un bassin d’agrément (ou fontaine ?), la multiplication des sols bétonnés, la réorganisation des espaces recherchant de l’axialité et mettant en situation privilégiée l’une des salles d’apparat sont autant d’éléments qui participent à son ennoblissement. La caractérisation de son niveau de richesse se heurte à l’état de conservation des vestiges et à la quasi absence des niveaux de démolition qui limitent les spéculations à ce propos. En outre, celle-ci ne saurait reposer sur de seules appréciations de superficie. En effet, parmi les nombreux exemples de domus à péristyle abordés par P. Vipard, pour traiter de l’habitat des élites urbaines en Gaule, pas moins de cinq maisons présentent des superficies comprises entre 460m2 et 690m2. La maison de l’état 2 de la rue Auguste Comte semble posséder toutes les composantes fondamentales et nécessaires à l’identification d’une domus de l’élite urbaine. Ainsi, elle paraît présenter la trilogie architecturale, structurelle et fonctionnelle définie par P. Vipard : un système d’accès (vestibule), au moins une salle de réception et un péristyle, autour duquel s’articulent ces pièces.


Les occupations des IIIe et IVe siècles.

Les vestiges plus tardifs des IIIe et IVe s. attestent la continuité de l’occupation, dont l’organisation et le statut subissent de profonds boulversements. La fonction résidentielle au statut élévé du secteur semble abandonnée au profit d’une fonction artisanale tournée vers la métallurgie des alliages cuivreux, à l’état 3b. Cette activité métallurgique, marquée par la présence de nombreux creusets et de leurs bouchons, semble liée à la fonte d’alliages. Toutefois, on ne peut pas préciser si le travail effectué sur place se limite à la seule fusion, et donc à la production de matière première, ou s’il s’agit d’une étape de production permettant la réalisation d’objets finis. En effet, on note l’absence de chutes,de ratés de fabrication ou de moules. L’état 4 atteste un réinvestissement de la parcelle qui reprend les orientations des occupations précédentes. Cependant, le caractère lacunaire des vestiges conservés ne permet pas la datation et la détermination précise de cette occupation qui ne peut être antérieure à la fin du IIIe s. apr. J.-C.