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Quai Saint-Antoine

 

Résultats de la fouille de 2016

Opération : Fouille d'archéologie préventive

Dates de l'opération : 2015 - 2019

Période(s) d'occupation : Antiquité, Médiévale, Moderne

Opérateur : Service archéologique de la Ville de Lyon

Aménageur : LPA


-> Consultez ici les résultats du diagnostic de 2010


Les fouilles archéologiques menées dans le cadre de la construction du futur parking Saint-Antoine ont débuté au cours de l’été 2015 et se poursuivront jusqu’aux environs de 2019. Au cours de l’année 2016, elles ont concerné la place d’Albon (construction de la rampe de sortie) et une partie du quai Saint-Antoine (création d’un égout provisoire et travaux d’injection en pied d’immeuble).
Détail d’une figurine en bronze constituant
une partie du
dépôt rituel découvert dans
les niveaux d’abandon du IIIe siècle apr. J.-C.

L’occupation antique

Les vestiges mis au jour sous la place d’Albon ont permis d’attester d’une occupation antique du site se développant en direction de la Saône, au moins jusque sous les voies sur berge actuelles, où un mur nord-sud d’environ 1 m d’épaisseur a été aperçu à 5 m de profondeur (aménagement de berge ?). Plus à l’est, une portion de voie, large de 6,5 m et orientée nord-sud est mise en place à la fin du Ier ou au début du IIe siècle au sommet des niveaux alluvionnaires sous-jacents. Sa surface de roulement est constituée de petits galets. Elle est bordée, à l’est, par un mur en moellons de granite, doté de plusieurs contreforts, puissamment fondé et conservé sur une hauteur d’1,5 m. Ce mur, dont le tracé est rectiligne, peut être restitué sur une longueur d’au moins 26 m. A l’est, le terrain situé à l’arrière du mur, soit légèrement en contrehaut par rapport à la voie, est occupé par un bâti léger, sur solins de tegulae, construit contre le mur de soutènement à la fin du IIe siècle ou au début du siècle suivant. Ces constructions sont présentes sur une largeur d’au moins 10 m le long du mur et forment plusieurs modules de 3,6 m de long. Cependant, seuls deux modules sont entièrement conservés, l’un a une largeur de 0,9 m ; le second est large de 2,1 m. Il est toutefois difficile de les interpréter en l’absence de niveaux de sol associés.

Dans le courant du IIIe siècle, l’occupation du terrain situé à l’arrière du mur de soutènement change de nature. Un espace ouvert succède aux aménagements de terre ou de bois de l’état antérieur. Un petit bassin y est aménagé. Long de 1,4 m et large de 0,8 m, son fond et ses parois étaient constituées de planches de bois calées par des pierres. Sa profondeur conservée n’excède pas 30 cm ; on peut toutefois la restituer au moins du double. Cet espace ouvert est large de 4,3 m et il est bordé, à l’est, par des poteaux ou piliers dont deux massifs de fondation, distants l’un de l’autre de 3 m, ont été découverts. L’espace compris entre chacun de ces piliers ou poteaux est occupé par des fondations rectilignes témoignant de l’existence de murs ou de murets. Cet agencement nous suggère, en ce lieu, la présence d’un jardin (hortus) agrémenté d’un bassin et bordé soit d’un mur à ossature en bois, soit d’un portique dont les piliers sont reliés à leur base par un muret (pluteus) à la manière d’un péristyle. Situé à l’arrière du mur qui borde la rue présente en contrebas, ce jardin a une largeur d’un peu plus de 4 m, mais son étendue nous demeure inconnue.

Les niveaux d’abandon de ce secteur ont révélé la présence d’un dépôt rituel, enfoui sous une plaque de marbre et dont l’emplacement demeurait matérialisé par un tegula posée de chant contre le mur de soutènement. Ce dépôt est contenu dans une situle cylindrique en bronze à fond plat et bord oblique se terminant par un rebord vertical. Ce récipient, haut de 180 mm et d’un diamètre de 260 à 278 mm, appartient à un type bien attesté dans le monde romain au IIIe siècle. Ce seau contenait un lot d’objets demeurés dans un état de conservation remarquable et pouvant s’apparenter aux ustensiles d’un laraire : un vase en verre ayant contenu une substance lactée, une coupelle en bronze, ainsi qu’un ensemble de trois statuettes de matrones en bronze, aux visages vieillissant et assises sur un banc constitué de plaques de bronze et dont le dossier est ajouré.

Canalisation d’adduction en
terre cuite d’une fontaine

Plusieurs autres niveaux d’occupation antiques ont été mis au jour sur le site. Ils consistent pour la plupart en une succession de sols en terre battue associés à des murs en pierre ou à des constructions plus légères, sur sablières basses ou solins. Ces niveaux, qui couvrent une période d’occupation comprise entre la fin du Ier et le IIIe siècle, restent cependant difficiles à caractériser en raison de leur morcellement causé par l’aménagement de plusieurs tronçons d’égout au cours du XIXe siècle.

Enfin, à l’est de la place d’Albon, en limite de la rue Mercière, un tronçon de canalisation en terre cuite a été découvert. Conservée sur une longueur de 4 m et constituée de 10 sections, cette canalisation présente une orientation nord-sud similaire à celle de la trame urbaine dans ce secteur de la ville antique. A son extrémité méridionale, elle comporte un nodule plus court  afin de lui permettre de s’infléchir légèrement en direction de l’est (seulement 34 cm de long contre 48 cm pour les nodules constituant la partie rectiligne de son tracé). De ce côté, la dernière section de canalisation conservée est dotée d’un trou circulaire d’un diamètre de 5 cm, façonné avant cuisson et destiné au raccordement d’un tuyau de plomb. Cette canalisation d’adduction d’eau, enfouie sous 2 m de remblais, alimentait une fontaine soutenue par un vaste radier maçonné, épais d’une vingtaine de centimètre et mis en place au début du IVe siècle. L’une des dalles de soubassement de cette fontaine, longue de 3,3 m, ainsi que trois blocs de sa margelle ont été découverts à quelques mètres à peine du radier, en remploi dans des murs médiévaux. Ils nous permettent de restituer en ce lieu une fontaine, très certainement publique en raison de ses dimensions et constituée de blocs de choin.

Caves de la maison située à l’angle
de la rue Mercière et
de la rue des Bouquetiers.

Le Moyen Âge et l’époque moderne

Au cours du XIIe siècle, les niveaux de démolition hérités de la période antique sont recouverts d’un vaste pavement constitué de dalles jointives en calcaire dur (type choin de Fay) dont les dimensions impressionnantes (parfois plus de 2 m de long) et la nature du matériau utilisé peuvent suggérer une origine antique à ces blocs. Ce dallage semble avoir constitué une place, dont nous ne connaissons pas les limites, mais qui s’étend sur au moins 24 m de long et 19 m de large, au débouché de l’ancien pont du Change construit au-dessus de la Saône au cours de la seconde moitié du XIe siècle. La culée de ce pont a été partiellement découverte ; elle est formée par un énorme massif de maçonnerie, large de 6,5 m et constitué de blocs de granite, de gneiss et de calcaire jaune à entroques du Mont d’Or.
A la fin du XIIIe siècle ou au début du siècle suivant, un îlot d’habitation est édifié sur l’ancienne place, dont il utilise certaines dalles en guise de fondation sur radier. La construction de cet îlot est peut-être à mettre en relation avec une fosse de gâchage de mortier découverte immédiatement à l’ouest. Elle marque la naissance, au moins dans ce secteur, de la rue des Bouquetiers qui joignait le pont de pierre à l’église Saint-Nizier et dont une un tronçon a survécu jusqu’à aujourd’hui. Au sud, cette rue semble également se border de maisons mais leurs vestiges très ténus (fondation de mur de façade, lambeaux de sols) ne permettent pas de les dater ou de les restituer avec exactitude. L’îlot nord est, pour sa part, nettement mieux conservé. Il se développe sur une longueur de 24 m en bordure de la rue et il est divisé en quatre pièces d’habitation ouvertes sur l’extérieur. Toutes construites sur un modèle identique, leurs intérieurs sont divisés par des cloisons en bois dont plusieurs négatifs ont été découverts. Leurs sols de tomettes seront plusieurs fois reconstruits et rehaussés, notamment au cours des XVIe et XVIIe siècles. Enfin, durant l’Epoque moderne, une cave sera aménagée sous la pièce située à l’angle sud-est de l’îlot. Ces habitations seront détruites au début du XIXe siècle.

Les immeubles bordant la limite méridionale de la rue des Bouquetiers nous sont, pour la plus part, parvenues sous leur forme moderne. Six d’entre eux sont en partie situés dans l’emprise de la fouille. Bâtis sur un parcellaire hérité des siècles précédents, ils sont construits, reconstruits ou profondément remaniés au cours des XVIIe et XVIIIe siècles. Ils sont généralement constitués d’un corps de bâtiment sur rue, d’une cour intérieure et d’un corps de logis aménagé en fond de parcelle. Tous ces bâtiments sont dotés de caves voûtées et un seul a conservé son sol de rez-de-chaussée en tomettes, la plupart des autres voûtes étant détruites. Parfois réalignés, souvent modifiés et généralement adaptés aux rehaussements successifs de la rue, ces immeubles perdureront jusqu’au milieu du XXe siècle.

Le quai Villeroy

Au début du XVIIIe siècle, l’aménagement du quai Villeroy, à l’emplacement de l’actuel quai Saint-Antoine, a engendré la démolition de deux immeubles en bordure sud de la rue des Bouquetiers afin de faciliter la circulation entre le vieux pont de pierre et le nouveau quai. Jusqu’à la rue Dubois, la plate-forme de ce quai est construite sur une succession de voûtes de décharge prenant appui sur d’imposants murs porteurs et un réseau d’assainissement y intégré. Ces d’égouts seront maintenus en place est prolongé lorsque le quai sera élargie au milieu du XIXe siècle.